Forum sur l’altruisme

Au début du mois d’Avril, nous allons ouvrir un forum consacré à la promotion de l’altruisme dans nos sociétés.

Notre époque fait face à de nombreux défis. Notamment, il nous particulièrement difficile de concilier trois échelles de temps différentes : le court terme de l’économie, le moyen terme de la satisfaction de vie, et le long terme de l’environnement. Il y a pourtant un fil d’Ariane qui les relie naturellement et permet d’harmoniser leurs exigences à première vue contradictoires. Il s’agit de l’altruisme.

Si nous avions davantage de considération pour autrui, nous nous ne livrerions pas à des spéculations sauvages, nous veillerions à améliorer les conditions au travail, de la vie familiale, des moyens de transport et de bien d’autres aspects de notre existence, notre vie spirituelle y compris, et nous ne sacrifierions pas inconsidérément le monde que nous allons léguer aux générations à venir.

De ce fait, l’altruisme ne peut plus être considéré simplement comme un noble idéal, quelque peu naïf ; il est, plus que jamais, une nécessité. Il faut avoir l’audace de le reconnaître et de le dire.

Comment encourager l’altruisme dans nos sociétés ? Quels sont les principaux obstacles à cette entreprise ? L’altruisme véritable existe-t-il et pouvons nous le cultiver ? Telles sont les principales questions dont nous allons discuterons.

De l’abandon

Il est bon d’abandonner le plus vite possible le superflu, le vain et l’inutile, et de ne pas y rester attaché par la force de l’habitude. Si je fais une randonnée en montagne, et qu’à mi-chemin je découvre que mon sac à dos est à moitié rempli de provisions et à moitié de cailloux, je me débarrasserai bien sûr avec joie de ces derniers.

De même, dans l’existence, il y a nombre de préoccupations qui ne contribuent en aucune façon à notre bonheur véritable. Alors pourquoi ne pas abandonner ces causes de tourments ?

En revanche il ne faut, à aucun prix, abandonner la poursuite de ce qui en vaut vraiment la peine : la transformation de soi en vue d’accroître le bien-être des autres et de remédier à leurs souffrance.

Quant au sentiment d’être abandonné par autrui, c’est une expérience pénible certes mais, ô combien, inutile. Qu’est-ce qui est abandonné ? Notre être profond ou le sentiment exacerbé de l’importance de soi ? Comment la nature fondamentale de la pleine conscience, cette présence éveillée libre de constructions mentales, pourrait-elle être abandonnée par quelqu’un d’autre? Nous pouvons tout au plus l’oublier nous-mêmes.

Si l’on contemple la nature de la pleine conscience et du moment présent, nous ne sommes pas ce « moi » qui souffre de l’abandon. Nous ne sommes pas davantage la souffrance que nous ressentons. La paix intérieure liée à la présence éveillée de la pleine conscience ne peut être affectée par ces fabrications de l’esprit.

La réincarnation n’est pas la renaissance d’un “moi” (suite et fin)

Conventionnellement, on peut parler de conscience ‟individuelle” même si l’individu n’existe pas en tant qu’entité autonome, car l’absence de transfert d’une entité discontinue ne s’oppose pas à la continuation d’une fonction.

Que le moi n’ait pas d’existence propre, n’empêche pas qu’un courant de conscience particulier ait une histoire et des qualités qui le distinguent d’un autre. Qu’il n’y ait pas de barque flottant sur le fleuve n’empêche pas celui-ci d’être chargé de sédiments, pollué par une usine de papier, ou clair et limpide. L’état du fleuve à un moment donné est l’image, le résultat de son histoire. De la même façon, les courants de conscience individuels sont chargés du résultat des pensées positives ou négatives, ainsi que des traces qu’ont laissé dans la conscience les actes et les paroles issues de ces pensées. Le propos de la pratique spirituelle est de purifier ce fleuve, peu à peu.

L’état ultime de limpidité est ce qu’on appelle la réalisation spirituelle. Toutes les émotions négatives, tous les voiles qui masquent la connaissance sont alors dissous. Il ne s’agit pas d’anéantir le ‟moi”, lequel n’a jamais véritablement existé, mais simplement de démasquer son imposture. En fait, si ce ‟moi” avait une existence intrinsèque, on ne pourrait jamais le faire passer de l’existence à la non-existence.

La réincarnation n’est pas la renaissance d’un “moi”

Tout d’abord, il faut bien comprendre que ce qu’on appelle réincarnation dans le bouddhisme n’a rien à voir avec la transmigration d’une ‟entité” quelconque, rien à voir avec la métempsycose.

Tant que l’on raisonne en termes d’entités plutôt que de fonction, de continuité de l’expérience, le concept bouddhiste de renaissance ne peut pas être compris. Il est dit ‟qu’aucun fil ne passe au travers des perles du collier des renaissances.”

Il n’y a pas identité d’une ‟personne” au travers de renaissances successives, mais conditionnement d’un flot de conscience

(à suivre…)

L’hypothèse faite par Daniel Batson d’un altruisme véritable

Lors des réunions préparatoires à la conférence de l’Institut Mind and Life sur « L’altruisme et la compassion en économie » (qui se tiendra à Zurich du 9 au 11 avril 2010, voir www.compassionineconomics.org), j’ai eu la chance de passer quelque temps avec Daniel Batson, un éminent psychologue américain, professeur à l’université du Kansas à présent à la retraite, que je souhaitais rencontrer depuis des années.

Daniel Batson a le mérite d’avoir montré de manière très convaincante que l’altruisme véritable existe bien. Cela peut sembler évident pour beaucoup, mais c’est contraire à la vision dominante de la psychologie occidentale, qui est celle de l’égoïsme universel. Selon elle, tout comportement apparemment altruiste est déterminé par une motivation intéressée (« Gratter un peu la peau d’un altruiste et voyez saigner l’hypocrite », est leur slogan)

Un comportement faussement altruiste peut être motivé par la recherche de récompenses matérielles, sociales ou personnelles, ou le souci d’éviter des sanctions, ou celui de réduire la détresse que l’on ressent devant le spectacle de la souffrance d’autrui, ou alors tout simplement le constat que ça « fait du bien ».

Mais il existe aussi une autre conception des choses, selon laquelle certains comportements et motivations sont authentiquement altruistes. L’hypothèse de l’existence d’un altruisme fondé sur l’empathie, émise par Daniel Batson, le conduit à définir la sollicitude empathique comme un état d’esprit tourné vers autrui, né d’une aptitude innée à évaluer le bien-être de l’autre et à percevoir les besoins de l’autre. La sollicitude empathique fait naître une motivation altruiste, qui est « un état de la motivation tendue vers ce but ultime d’accroître le bien-être d’autrui »

Daniel Batson et son collaborateur ont mené plus de 35 expériences pour établir l’existence de l’altruisme fondé sur l’empathie par opposition à ces autres modèles plausibles de type égocentrique. La seule conclusion raisonnable de ces expériences semble être que l’existence d’un altruisme fondé sur l’empathie est établie et que le répertoire des motivations humaines ne se limite pas à l’égoïsme.

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Le triomphe éphémère de l’égoïsme sectaire

Imaginez un bateau avarié dans lequel il serait nécessaire d’utiliser toute la puissance des machines pour pomper l’eau des cales. Mais les passagers de première classe veulent continuer à utiliser l’air conditionné et autres facilités, et les passagers de deuxième classe ont pour seule préoccupation de se faire surclasser en première. Bientôt, tout le monde coule, aprés avoir utilisé ou tenté d’utiliser l’air conditionné pendant quelques heures de plus, au lieu d’être tous sauvés. Sur un bateau normal, un capitaine prend les mesures nécessaires pour empêcher le naufrage. Ici, les passagers insistaient pour être leurs propres chefs.

L’approche actuelle de l’environnement, des changements climatiques et d’autres défi pressants de notre époque (désarmement, régulation de l’avidité qui mêne le libre marché économique, etc.) est celle de tribus se disputant l’usufruit et la propriéte d’un bateau qui coule, d’une forêt en feu et d’une bombe à retardement. A Copenhagen, ils ont imposé leurs volontés… pour le moment.

Les chefs d’états se sont comportés comme les chefs de grandes tribus. Certains sont peut-être plus sages que les autres, mais ils n’ont guère d’influence sur les autres tribus, parfois même sur leur propre tribu.

Les problèmes mondiaux ne peuvent être traités que par des institutions transnationales. Dans un monde global, les chefs d’Etats devraient jouer le rôle de gouverneurs de provinces, qui administrent les affaires locales et déférer à une authorité transnationale lors le sort du monde entier est en jeu. Personne n’en veut? Bien. Alors nagez maintenant.

“Heures magiques” dans l’Himalaya

Cette image a été prise en fin d’après-midi, au Népal, cet automne. Pour équilibrer le ciel et la terre, et rétablir ce que l’œil humain voit (et que la capteur numérique ne rend pas en raison des limitations de son spectre de contraste), j’ai utilisé un filtre neutre à densité graduelle, correspondant à trois diaphragmes (Filter Singh Ray-Galen Rowell 3G).

Pour ce faire, il convient de régler l’exposition en mode manuel (pour éviter une compensation automatique qui annulerait l’effet du filtre). Il faut ensuitemesurer la lumière sur le paysage au premier plan, puis masquer le ciel à l’aide du filtre.

(Canon Mark 3Ds, 24-70mm réglé à 27 mm, f. 8.0, 1/100sec, 160 ASA)

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La fonte des glaciers de l’Himalaya

Au cours des dernières années des changements dramatiques se sont produit dans l’aspect des glaciers himalayens. Ces deux images de la chaîne du Langtang et des pics environnants furent prises respectivement à la fin de Septembre 2006 et en Octobre 2009. Ces changements sont dus aux très faibles chutes de neiges annuelles et à la fonte accélérée des neiges existantes.imageimage

On dit parfois que vous êtes l’homme le plus heureux du monde ?

C’est une bonne blague dont j’ai du mal à me défaire. Cela vaut certes mieux que de passer pour l’homme le plus malheureux du monde, mais cette attribution ne repose évidemment sur aucune base scientifique.

Il y a quelques années, un documentaire sur le bonheur réalisé par la chaîne de télévision australienne ABC, auquel j’ai participé, disait dans son commentaire : « peut-être avons-nous ici affaire à l’homme le plus heureux du monde. » Fort heureusement, les choses en étaient restées là. Mais quelques années plus tard, un journaliste du journal anglais The Independent retrouva sans doute ce documentaire et titra en première page : «The happiest man in the world. » À partir de ce moment-là, je n’eut plus aucun contrôle sur les événements. Cette rumeur était censée fondée sur des bases scientifiques.

En vérité, j’ai bien participé depuis des années à des recherches en neurosciences sur les effets à long terme de la méditation sur le cerveau. Il s’avère notamment que lorsque les méditants qui ont derrière eux entre 10.000 et 50.000 heures de pratique sanguin, s’engagent dans une méditation sur la compassion, ils engendrent des oscillations cérébrales, principalement dans les fréquences gamma, d’une intensité qui n’avait jamais été décrite en neurosciences. Je n’étais pas le seul, et une quinzaine de méditants à long terme ont participé à ces recherches et ont tous montrés des résultats similaires. Du fait que l’une des zones activées lors de cette méditation, est aussi associée aux émotions positives, il n’en fallut pas plus aux journalistes pour déclarer que l’on avait trouvé l’homme le plus heureux du monde. C’est pour sur une bonne forme formule journalistique. Je me suis excusé auprès de mes amis scientifiques et ai tenté de corriger autant que possible cette exagération rocambolesque, mais cela n’a pas servi à grand-chose. J’essaie donc de prendre tout cela avec philosophie et amusement, et d’en tirer une leçon d’humilité.

Ce que je réponds, lorsqu’on me le demande, c’est que tout le monde peut être l’homme ou la femme la plus heureuse au monde : il suffit pour cela de chercher le bonheur là où il se trouve vraiment. C’est en développant la sagesse et l’amour altruiste que l’on peut effectivement, peu à peu, se débarrasser de tous nos poisons mentaux, et progresser vers un bonheur authentique.

La non-violence n’est pas une faiblesse

Lorsque nous sommes l’objet d’un abus ou d’une injustice, il est tout à fait légitime d’utiliser tous les moyens appropriés et toute la vigueur nécessaire pour y remédier, mais jamais avec de la haine.

Au plus profond de soi, il faut conserver une compassion invincible et une force intérieure inépuisable.

Il ne s’agit ni de se livrer passivement à la merci de ceux qui nous agressent, ni d’essayer de les détruire par la force, car il s’en trouvera toujours d’autres qui surgiront, mais de découvrir que l’ennemi principal qu’il faut combattre sans merci, c’est la malveillance.

C’est cela qu’il faut comprendre et, dans la mesure du possible, faire comprendre à autrui.