De l’abandon

Il est bon d’abandonner le plus vite possible le superflu, le vain et l’inutile, et de ne pas y rester attaché par la force de l’habitude. Si je fais une randonnée en montagne, et qu’à mi-chemin je découvre que mon sac à dos est à moitié rempli de provisions et à moitié de cailloux, je me débarrasserai bien sûr avec joie de ces derniers.

De même, dans l’existence, il y a nombre de préoccupations qui ne contribuent en aucune façon à notre bonheur véritable. Alors pourquoi ne pas abandonner ces causes de tourments ?

En revanche il ne faut, à aucun prix, abandonner la poursuite de ce qui en vaut vraiment la peine : la transformation de soi en vue d’accroître le bien-être des autres et de remédier à leurs souffrance.

Quant au sentiment d’être abandonné par autrui, c’est une expérience pénible certes mais, ô combien, inutile. Qu’est-ce qui est abandonné ? Notre être profond ou le sentiment exacerbé de l’importance de soi ? Comment la nature fondamentale de la pleine conscience, cette présence éveillée libre de constructions mentales, pourrait-elle être abandonnée par quelqu’un d’autre? Nous pouvons tout au plus l’oublier nous-mêmes.

Si l’on contemple la nature de la pleine conscience et du moment présent, nous ne sommes pas ce « moi » qui souffre de l’abandon. Nous ne sommes pas davantage la souffrance que nous ressentons. La paix intérieure liée à la présence éveillée de la pleine conscience ne peut être affectée par ces fabrications de l’esprit.

La réincarnation n’est pas la renaissance d’un “moi” (suite et fin)

Conventionnellement, on peut parler de conscience ‟individuelle” même si l’individu n’existe pas en tant qu’entité autonome, car l’absence de transfert d’une entité discontinue ne s’oppose pas à la continuation d’une fonction.

Que le moi n’ait pas d’existence propre, n’empêche pas qu’un courant de conscience particulier ait une histoire et des qualités qui le distinguent d’un autre. Qu’il n’y ait pas de barque flottant sur le fleuve n’empêche pas celui-ci d’être chargé de sédiments, pollué par une usine de papier, ou clair et limpide. L’état du fleuve à un moment donné est l’image, le résultat de son histoire. De la même façon, les courants de conscience individuels sont chargés du résultat des pensées positives ou négatives, ainsi que des traces qu’ont laissé dans la conscience les actes et les paroles issues de ces pensées. Le propos de la pratique spirituelle est de purifier ce fleuve, peu à peu.

L’état ultime de limpidité est ce qu’on appelle la réalisation spirituelle. Toutes les émotions négatives, tous les voiles qui masquent la connaissance sont alors dissous. Il ne s’agit pas d’anéantir le ‟moi”, lequel n’a jamais véritablement existé, mais simplement de démasquer son imposture. En fait, si ce ‟moi” avait une existence intrinsèque, on ne pourrait jamais le faire passer de l’existence à la non-existence.

La réincarnation n’est pas la renaissance d’un “moi”

Tout d’abord, il faut bien comprendre que ce qu’on appelle réincarnation dans le bouddhisme n’a rien à voir avec la transmigration d’une ‟entité” quelconque, rien à voir avec la métempsycose.

Tant que l’on raisonne en termes d’entités plutôt que de fonction, de continuité de l’expérience, le concept bouddhiste de renaissance ne peut pas être compris. Il est dit ‟qu’aucun fil ne passe au travers des perles du collier des renaissances.”

Il n’y a pas identité d’une ‟personne” au travers de renaissances successives, mais conditionnement d’un flot de conscience

(à suivre…)

Exemples d’altruisme véritable

Nous serions très heureux de recevoir des témoignages, anecdotes et récits concernant des actions dont tout indique qu’elles relèvent d’un altruisme authentique. 

Il peut s’agir d’exemples dont vous avez été témoin ou dont vous avez entendu parler, de faits contemporains ou appartenant à un passé lointain ; d’actes héroïques ou de manifestations de fraternité et de dévouement dans la vie quotidienne, de comportements bienveillants et désintéressés, inspirés par le souci d’autrui et le sens de la solidarité.

L’altruisme peut être défini comme « un état mental désirant le bien-être d’autrui ». Il peut être considéré comme authentique si l’accomplissement du bien d’autrui constitue la motivation première et le but ultime d’un comportement particulier. L’altruisme peut qualifier un état mental momentané, ou correspondre à une disposition durable, à une manière d’être.

Pour être véritablement altruiste un acte ne doit pas être motivé par le désir d’en retirer des avantages personnels, à court ou à long terme, ni par l’envie d’être loué ou de recevoir des marques de gratitude, ou par la crainte d’être critiqué si l’on s’abstient de venir au secours de l’autre. De même, une action ne sera pas altruiste si l’on agit dans le seul but de soulager la détresse personnelle que l’on ressent devant la souffrance de l’autre.

Si vous souhaitez partager avec nous des anecdotes inspirantes, des documents en fichier attaché ou des références de publications, veuillez cliquer sur le lien http://www.altruism-forum.fr

L’hypothèse faite par Daniel Batson d’un altruisme véritable

Lors des réunions préparatoires à la conférence de l’Institut Mind and Life sur « L’altruisme et la compassion en économie » (qui se tiendra à Zurich du 9 au 11 avril 2010, voir www.compassionineconomics.org), j’ai eu la chance de passer quelque temps avec Daniel Batson, un éminent psychologue américain, professeur à l’université du Kansas à présent à la retraite, que je souhaitais rencontrer depuis des années.

Daniel Batson a le mérite d’avoir montré de manière très convaincante que l’altruisme véritable existe bien. Cela peut sembler évident pour beaucoup, mais c’est contraire à la vision dominante de la psychologie occidentale, qui est celle de l’égoïsme universel. Selon elle, tout comportement apparemment altruiste est déterminé par une motivation intéressée (« Gratter un peu la peau d’un altruiste et voyez saigner l’hypocrite », est leur slogan)

Un comportement faussement altruiste peut être motivé par la recherche de récompenses matérielles, sociales ou personnelles, ou le souci d’éviter des sanctions, ou celui de réduire la détresse que l’on ressent devant le spectacle de la souffrance d’autrui, ou alors tout simplement le constat que ça « fait du bien ».

Mais il existe aussi une autre conception des choses, selon laquelle certains comportements et motivations sont authentiquement altruistes. L’hypothèse de l’existence d’un altruisme fondé sur l’empathie, émise par Daniel Batson, le conduit à définir la sollicitude empathique comme un état d’esprit tourné vers autrui, né d’une aptitude innée à évaluer le bien-être de l’autre et à percevoir les besoins de l’autre. La sollicitude empathique fait naître une motivation altruiste, qui est « un état de la motivation tendue vers ce but ultime d’accroître le bien-être d’autrui »

Daniel Batson et son collaborateur ont mené plus de 35 expériences pour établir l’existence de l’altruisme fondé sur l’empathie par opposition à ces autres modèles plausibles de type égocentrique. La seule conclusion raisonnable de ces expériences semble être que l’existence d’un altruisme fondé sur l’empathie est établie et que le répertoire des motivations humaines ne se limite pas à l’égoïsme.

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L’Université de Nalanda

Après Kusinagar et Kesaria, le pèlerinage nous a conduits à la grande Université de Nalanda située à environ 90 km au SE de Patna et à quelques kilomètres de Rajgir.

Nalanda fut une des premières universités du monde et la plus grande université bouddhiste de l’histoire. Elle fut établie au temps de la dynastie Gupta pendant le règne de l’empereur Karagupta. Le complexe fut érigé en briques rouges et ses ruines s’étendent sur 14 hectares.

On dit que le Bouddha a séjourné plusieurs fois à Nalanda. Plus tard, l’empereur Ashoka (250 BC) y construisit un stupa à la mémoire de Sharipoutra, un des deux plus proches disciples du Bouddha. Les ruines de ce stupa sont aujourd’hui le plus grand monument de Nalanda (voir photo ci-dessous).

Beaucoup de grands panditas indiens, dont Nagarjouna, Aryadéva, Chandrakirti et Shantidéva, enseignèrent à Nalanda.

Au sommet de sa gloire, Nalanda abritait plus de 10.000 étudiants et 2.000 professeurs. L’université était considérée comme un chef d’œuvre architectural, elle était caractérisée par un hall élevé et un portail. Nalanda comportait huit ensembles de bâtiments et dix temples en plus de nombreuses salles de méditations et d’étude. Elle était entourée de parcs et de lacs.

Les sujets enseignés à l’Université de Nalanda couvraient chaque domaine de la connaissance ce qui attirait des étudiant de Corée, du Japon, de Chine, du Tibet, d’Indonésie, de Perse et de Turquie. Les étudiants apprenaient les sciences, l’astronomie, la médecine et principalement la métaphysique et la philosophie.

La librairie de Nalanda appelée Dharma Gunj (Montagne de Vérité) ou Dharmagañja (Trésor de Vérité) rassemblait la collection de connaissances bouddhistes la plus connue du monde. Cette collection était réputée pour comprendre des centaines de milliers de volumes. Quand, en 1193, elle fut incendiée par les envahisseurs musulmans menés par le Turc Bakhtiar Khilji, elle brûla pendant des mois.

Sa Sainteté le Dalai Lama dit souvent que la tradition tibétaine du bouddhisme fait partie de la tradition de Nalanda. On peut donc dire que les érudits actuels du bouddhisme tibétain gardent vivante la tradition de l’Université de Nalanda.

imageimageMoines Thaï passant devant le stoupa de Shariputra

Le triomphe éphémère de l’égoïsme sectaire

Imaginez un bateau avarié dans lequel il serait nécessaire d’utiliser toute la puissance des machines pour pomper l’eau des cales. Mais les passagers de première classe veulent continuer à utiliser l’air conditionné et autres facilités, et les passagers de deuxième classe ont pour seule préoccupation de se faire surclasser en première. Bientôt, tout le monde coule, aprés avoir utilisé ou tenté d’utiliser l’air conditionné pendant quelques heures de plus, au lieu d’être tous sauvés. Sur un bateau normal, un capitaine prend les mesures nécessaires pour empêcher le naufrage. Ici, les passagers insistaient pour être leurs propres chefs.

L’approche actuelle de l’environnement, des changements climatiques et d’autres défi pressants de notre époque (désarmement, régulation de l’avidité qui mêne le libre marché économique, etc.) est celle de tribus se disputant l’usufruit et la propriéte d’un bateau qui coule, d’une forêt en feu et d’une bombe à retardement. A Copenhagen, ils ont imposé leurs volontés… pour le moment.

Les chefs d’états se sont comportés comme les chefs de grandes tribus. Certains sont peut-être plus sages que les autres, mais ils n’ont guère d’influence sur les autres tribus, parfois même sur leur propre tribu.

Les problèmes mondiaux ne peuvent être traités que par des institutions transnationales. Dans un monde global, les chefs d’Etats devraient jouer le rôle de gouverneurs de provinces, qui administrent les affaires locales et déférer à une authorité transnationale lors le sort du monde entier est en jeu. Personne n’en veut? Bien. Alors nagez maintenant.

Qu’est-ce que le bouddhisme entend par Eveil ?

L’Eveil est la fin de toute méprise quant à la nature de la réalité, associée à une compassion sans limites. Une connaissance qui n’est pas, comme dans la science, une accumulation de données, mais une compréhension des modes d’existence relatif (la façon dont les choses nous apparaissent) et ultime (leur véritable nature) de notre esprit et du monde. Cette connaissance est l’antidote fondamental de l’ignorance et de la souffrance.

Par ignorance on n’entend donc pas ici un simple manque d’information, mais une vision fausse de la réalité qui nous fait croire que les choses sont permanentes et solides, et que notre moi existe vraiment, et à cause de laquelle nous confondons le plaisir passager ou le soulagement d’une souffrance avec le bonheur durable. C’est cette ignorance qui nous pousse également à tenter de construire notre bonheur sur la souffrance des autres.

Nous nous attachons à ce qui peut satisfaire notre moi et nous éprouvons de la répulsion pour ce qui paraît lui nuire. De fil en aiguille, les événements mentaux s’enchaînent, engendrent de plus en plus de confusion dans notre esprit et aboutissent à un comportement totalement égocentrique. L’ignorance se perpétue et notre paix intérieure est détruite.

La connaissance dont parle le bouddhisme est l’antidote ultime de la souffrance. Dans cette perspective, if faut convenir que connaître la luminosité des étoiles ou la distance qui les sépare n’est pas d’une utilité absolue et ne nous apprend pas même comment devenir de meilleurs êtres humains.

On cite le cas d’un homme qui interrogea le Bouddha sur certains points de cosmologie. Ce dernier prit une poignée de feuilles et demanda au visiteur : ‟Y a-t-il plus de feuilles dans mes mains, ou dans la forêt ?” ‟Il y en a certes bien plus dans la forêt,” répondit l’homme. Le Bouddha poursuivit : ‟Eh bien, les feuilles que je tiens dans ma main représentent les connaissances qui conduisent à la cessation de la souffrance.”

Le Bouddha montrait ainsi l’inutilité de certaines interrogations. Le monde offre un champ d’études illimitées, aussi nombreuses que les feuilles de la forêt. Si ce que l’on désire par-dessus tout dans cette vie est d’atteindre l’Eveil, il est préférable de s’y consacrer entièrement en rassemblant dans ses mains les seules connaissances qui concourent à la réalisation de ce souhait.

“Heures magiques” dans l’Himalaya

Cette image a été prise en fin d’après-midi, au Népal, cet automne. Pour équilibrer le ciel et la terre, et rétablir ce que l’œil humain voit (et que la capteur numérique ne rend pas en raison des limitations de son spectre de contraste), j’ai utilisé un filtre neutre à densité graduelle, correspondant à trois diaphragmes (Filter Singh Ray-Galen Rowell 3G).

Pour ce faire, il convient de régler l’exposition en mode manuel (pour éviter une compensation automatique qui annulerait l’effet du filtre). Il faut ensuitemesurer la lumière sur le paysage au premier plan, puis masquer le ciel à l’aide du filtre.

(Canon Mark 3Ds, 24-70mm réglé à 27 mm, f. 8.0, 1/100sec, 160 ASA)

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Sur l’impermance de toutes choses

PADMASAMBHAVA (VIIIe siècle)

Comme le torrent se précipite vers la mer,

Comme le soleil et la lune glissent par-delà les montagnes du couchant,

Comme les jours et les nuits, les heures et les instants s’enfuient,

La vie humaine s’écoule inexorablement.

NAGARJUNA (1er siècle)

Si cette vie que bat le vent de mille maux

Est plus fragile encore qu’une bulle sur l’eau,

Il est miraculeux, après avoir dormi,

Inspirant, expirant, de s’éveiller dispos !

Tiré de Chemins spirituels Petite anthologie des plus beaux textes tibétains, Matthieu Ricard, NiL Editons