C’est une bonne blague dont j’ai du mal à me défaire. Cela vaut certes mieux que de passer pour l’homme le plus malheureux du monde, mais cette attribution ne repose évidemment sur aucune base scientifique.
Il y a quelques années, un documentaire sur le bonheur réalisé par la chaîne de télévision australienne ABC, auquel j’ai participé, disait dans son commentaire : « peut-être avons-nous ici affaire à l’homme le plus heureux du monde. » Fort heureusement, les choses en étaient restées là. Mais quelques années plus tard, un journaliste du journal anglais The Independent retrouva sans doute ce documentaire et titra en première page : «The happiest man in the world. » À partir de ce moment-là, je n’eut plus aucun contrôle sur les événements. Cette rumeur était censée fondée sur des bases scientifiques.
En vérité, j’ai bien participé depuis des années à des recherches en neurosciences sur les effets à long terme de la méditation sur le cerveau. Il s’avère notamment que lorsque les méditants qui ont derrière eux entre 10.000 et 50.000 heures de pratique sanguin, s’engagent dans une méditation sur la compassion, ils engendrent des oscillations cérébrales, principalement dans les fréquences gamma, d’une intensité qui n’avait jamais été décrite en neurosciences. Je n’étais pas le seul, et une quinzaine de méditants à long terme ont participé à ces recherches et ont tous montrés des résultats similaires. Du fait que l’une des zones activées lors de cette méditation, est aussi associée aux émotions positives, il n’en fallut pas plus aux journalistes pour déclarer que l’on avait trouvé l’homme le plus heureux du monde. C’est pour sur une bonne forme formule journalistique. Je me suis excusé auprès de mes amis scientifiques et ai tenté de corriger autant que possible cette exagération rocambolesque, mais cela n’a pas servi à grand-chose. J’essaie donc de prendre tout cela avec philosophie et amusement, et d’en tirer une leçon d’humilité.
Ce que je réponds, lorsqu’on me le demande, c’est que tout le monde peut être l’homme ou la femme la plus heureuse au monde : il suffit pour cela de chercher le bonheur là où il se trouve vraiment. C’est en développant la sagesse et l’amour altruiste que l’on peut effectivement, peu à peu, se débarrasser de tous nos poisons mentaux, et progresser vers un bonheur authentique.