L’incroyable histoire de Joynal Abedin

A 61 ans, au Bengladesh, Joynal Abedin pédale toute la journée sur un « rickshaw », un gros tricycle commun en Asie, avec une banquette à l’arrière, prévue pour deux personnes et mais sur laquelle il n’est pas rare que trois ou quatre passagers prennent place. Abedin gagne l’équivalent de 4 euros par jour.

« Mon père est mort parce que nous ne pouvions pas l’emmener à l’hôpital, qui était une marche de deux jours à partir de là. J’étais tellement en colère. Les gens ici pensent que parce que nous sommes pauvres, nous sommes impuissants. Je voulais prouver qu’ils ont tort. » Joynal Abedin partit pour la ville avec une seule chose en tête : construire un hôpital dans son village, Tanhashadia. Il se promit de revenir seulement quand il aurait suffisamment d’argent pour commencer.

Il pédala ainsi sur son rickshaw pendant trente ans, mettant chaque jour de côté la moitié de ses gains. A l’âge de 60 ans, il avait enfin épargné 3000 euros, de quoi commencer son projet. Il revint au village et put réaliser son rêve : il construisit l’hôpital.

Au début, il ne réussit pas à trouver des médecins. « Ils ne me faisaient pas confiance » dit-il ; il commença donc avec du personnel paramédical. Mais rapidement, les gens commencèrent à apprécier le travail incroyable qu’il accomplissait, et de l’aide vint à lui. Maintenant, l’hôpital du village, bien que modeste, traite 300 patients par jour. L’hôpital est maintenu grâce aux contributions minimes payées par les patients, auxquelles s’ajoutent les dons, souvent anonymes, qui ont commencé à affluer après que les journaux aient commencé à parler de son histoire.

A 62 ans, Abedin pédale toujours sur son rickshaw, transportant infatigablement des passagers, épargnant chaque coup de pédale pour aider les autres.

BBC, World Service, Outlook, 21 Mars, 2012 (en anglais)

Reportage télévisé (en anglais)

L’histoire d’Elissa

Elissa vivait près de New York. En 1996, alors qu’elle voyageait en Bosnie, on lui montra la lettre d’un jeune garçon, Kenen, qui avait perdu les deux bras et demandait de l’aide pour se faire faire des prothèses. Emue par son cas, Elissa contacta des hôpitaux et des compagnies aériennes et, dans les 24 heures, elle avait trouvé le moyen de faire venir l’enfant à New York afin qu’il y soit appareillé. Elle hébergea Kenen chez elle pendant les quatre mois nécessaires à la fabrication des prothèses et la rééducation.

Cet événement encouragea Elissa à en faire davantage. Elle créa une petite ONG, Global Medical Relief Fund, pour offrir des soins médicaux et des prothèses à des enfants victimes de guerre en Bosnie, au Libéria, en Irak, en Somalie et autres pays.

« Le courage de ces enfants est incroyable», dit-elle, « un petit garçon que je viens d’amener ici a perdu la vue et un bras. J’ai consulté une vingtaine de spécialistes, mais ses yeux étaient trop abîmés pour permettre une greffe de la cornée. Par contre, il a maintenant un bras tout neuf. » A un journaliste qui lui demandait comment il se sentait, il répondit avec un grand sourire : « Maintenant, avec mon bras, je peux chercher mon chemin ».

Elissa et son mari ont finalement gardé Kenen auprès d’eux. « C’est un exemple pour tous les enfants que j’amène ici. Ils le regardent et disent : « S’il y arrive, lui, un triple amputé, moi aussi je peux le faire ».

A la question : « Pensez-vous que tout le monde puisse être capable d’un dévouement semblable au vôtre ? » Elissa répond : « Oui, quiconque a de l’amour dans son cœur. C’est tout ce qu’il faut. »

Un détail intéressant. Avant son voyage en Bosnie, Elissa souffrait d’une anxiété chronique débilitante. A mesure qu’elle s’est consacrée aux autres, ses crises d’anxiété ont diminué, jusqu’à disparaître.

D’après Stephen G. Post, (2011). The Hidden Gifts of Helping

La dame des mots, une profonde leçon d’humanité — 3

L’empathie nous fait entrer en résonnance affective avec l’autre, mieux ressentir ses besoins. Les enfants dont s’occupaient ma sœur Eve, orthophoniste pendant prés de quarante ans, refusaient parfois de parler. Il fallait, à chaque séance journalière, des mois durant, il faut rester à l’écoute de son silence.

L’espoir d’une ouverture est toujours présent, comme dans le cas de cet enfant qui n’écrivait que des mots orduriers et qui, un jour, a découvert avec Eve la beauté des mots. À la fin, il a posé sa craie et déclaré, émerveillé : « Plus tard, je veux être poème ».

L’histoire des enfants que Eve nous conte dans La Dame des mots, nous rappelle que la violence domestique est la première violence dans le monde, et que ses principales victimes en sont les femmes et les enfants. Les parents de l’une des petites protégées d’Eve battaient systématiquement les leurs: donner des baffes, c’était donner une éducation. Il avaient eux-mêmes maltraités dans leur enfance et, .comme si souvent, , le cycle de la violence se reproduisait. « Ils donnaient à leurs enfants des baffes à leur dévisser la tête » raconte Eve, « et quand on leur a dit : ‟Vous ne devez pas frapper vos enfants”, le pére a répondu : ‟Mais je ne les frappe pas… je n’ai pas de bâton ! ” »

Mais ce lent et persévérant travail connaît aussi ses moments de grâce.

« Deux parents avaient une attitude flagrante de rejet vis-à-vis de leur enfant, et je me rappelle avoir dit une fois à l’un deux : ‟Mais regardez votre enfant, comme il est beau.” Les parents ont été interloqués et, entendant ces mots, l’enfant s’est soudainement déployé. Il est littéralement devenu beau, parce qu’il avait une belle expression. Il se sentait regardé autrement, et les parents, eux aussi, le regardaient autrement, pas comme un enfant raté. Par mon regard, celui que je portais sur leur enfant, les parents ont pu porter un autre regard, et l’enfant s’est transformé. »

Le plus bel hommage rendu à Eve est sans doute celui d’une de ses anciennes élèves, Lala, qui, la retrouvant des années plus tard, alors qu’elle était sortie d’affaire, avait trouvé un travail, fondé une famille et menait une vie équilibrée, lui dit simplement : « Nous avons fait un sacré chemin ensemble. »

Le Dalaï-lama et l’« âge de la femme

Récemment, lors de sa visite à Yeunten Ling, un centre bouddhiste renommé à Huy, en Belgique. Sa Sainteté a parlé du rôle des femmes dans la société :

« Les tribus nomades qui vivaient de chasse ou de cueillette étaient des sociétés égalitaires non régies par des chefs. Puis vint l’âge de l’agriculture sédentaire et le début de l’accumulation des richesses. Des fauteurs de troubles se manifestèrent et il devint nécessaire de faire appel à des chefs pour maintenir l’ordre. La force physique étant essentielle à cet égard, la domination des mâles s’instaura.

« Puis vint l’âge de l’éducation, de l’intelligence et de la raison, autant de domaines dans lesquels la femme et l’homme sont égaux. Bien qu’il reste de grands progrès à accomplir, nous sommes à présent entrés dans l’âge de l’égalité entre hommes et femmes.

« Si l’on veut préparer l’avenir, il semble bien que la qualité suprême, celle dont la société a le plus besoin, est l’altruisme, la disposition à prendre soin des autres et à être concerné par leur sort. Or, les femmes sont naturellement plus disposées à la sollicitude et à la compassion que les hommes. Cela vient sans doute originellement de l’instinct maternel qui les pousse à être attentionnées à l’égard de l’enfant qui dépend d’elle, à se demander s’il souffre, s’il a soif, à être plus encline que l’homme à prodiguer affection et compassion. Placés devant la nécessité de favoriser le développement d’une société plus altruiste, il semble donc souhaitable, d’entrer désormais dans l’« âge de la femme ». Pour ma part, je me considère donc comme un « féministe. »

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Lorsque le Dalaï-lama exposa ce point de vue à la conférence de la Paix de Vancouver en 2009 (ainsi qu’à Huy en Belgique il y a quelques jours), conférence à laquelle participaient cinq femmes prix Nobel de la Paix, Mary Robinson, première présidente femme de l’Irlande et ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, commenta : « Si je me dis féministe, ça ne surprend personne. Mais si le Dalaï-lama se dit féministe, voilà qui frappe vraiment les esprits ! »

Le Dalaï-lama ajoute fréquemment que s’il s’avère que ce temps viendra où les femmes exerceront une influence plus grande dans la société, un prochain Dalaï-lama non seulement pourrait être une femme, mais devrait l’être.

La dame des mots, une profonde leçon d’humanité — 2

Un jour, ma sœur Eve s’aperçut par hasard que l’un des enfants dont elle s’occupait depuis plus d’un an, en tant qu’orthophoniste dédiées aux enfants les plus négligés, avait finalement appris à lire, et faisait donc semblant d’être encore illettré. La raison de sa dissimulation finit par transparaître : il ne voulait pas être privé d’une présence chaleureuse, aimante et rassurante qui lui faisait tant défaut dans sa vie. Et s’accrochait ainsi à son incapacité de lire comme à une bouée de sauvetage, lui qui était par ailleurs constamment plongé dans un flot d’hostilités.

« Certains enfants », me raconte encore Eve dont le livre, La dame des mots, vient de sortir aux Editions NiL, « n’étaient mutiques qu’à l’école. L’un d’entre eux n’a pas prononcé un mot avec nous pendant quatre ans, mais sitôt dehors, il papotait avec la boulangère.

— Comment cela se fait-il ?

— Il parlait à la boulangère parce qu’il lui achetait des pains au chocolat ! »

Comme elle le souligne, « l’intégration est un mot et reste un mot. Ne pas parler, c’est la façon de ces enfants de dire non à l’éducation, parce que ce n’est pas leur culture et qu’ils ne veulent pas trahir leur culture. L’éducation les met en porte à faux avec leur père et leur mère qui ne savent ni lire ni écrire. En général, tout notre travail consiste à faire accepter le savoir aux enfants. »

La dame des mots, une profonde leçon d’humanité

« La dame des mots », c’est ainsi qu’Eve fut appelée par l’un de ces enfants pour qui les mots sont un mystère, ces enfants qui souffrent de ne pouvoir s’exprimer, de ne pouvoir s’ouvrir à la lecture, à l’écriture, à ces mondes si différents du leur. Eve, par modestie, ne souhaitait pas donner ce titre à son livre : « C’est un livre sur les enfants, disait-elle, pas sur moi ». J’ai insisté, soutenant que cette belle expression était propre à inspirer. Un autre de ces enfants, en visite dans l’établissement après sa scolarité, voulant se rappeler au bon souvenir d’Eve mais ne se rappelant plus son nom, dit à un autre enseignant qui lui demandait qui il cherchait : « Vous savez, c’est la dame qui m’a ouvert l’esprit. »

Pendant près de quarante ans, Eve a exercé le métier d’orthophoniste dans trois centres de la Ville de Paris. Atteinte précocement, elle avait juste trente-huit ans ans, par la maladie de Parkinson, Eve réagit avec un grand courage et de la façon la plus constructive possible, comme elle le décrit dans son émouvant récit Parkinson Blues. En dépit de sa maladie, elle a continué à se dévouer à plein temps aux enfants, « des enfants pas fréquentables, ceux qu’on ne voit jamais dans les goûters d’anniversaire… des champions en grossièretés… ».

Et pourtant, en dépit de trente-six ans de service à Sainte Anne et dans ces autres institutions de la Ville de Paris, en dépit de son dévouement sans bornes auprès des enfants défavorisés dont elle s’occupait, Eve est toujours restée vacataire — vacances sans solde et embauche au même titre qu’une débutante à chaque rentrée, ce qui n’était pas conforme à la loi. Finalement, par une ironie du sort, elle fut titularisée deux ans avant l’âge de la retraite ! Pour cela elle dut, à cinquante-huit ans, passer un examen face à de jeunes orthophonistes qui comptaient beaucoup moins d’années d’expérience professionnelle qu’elle. L’un des examinateurs lui demanda : « Quelle est, selon vous, la qualité principale qu’un orthophoniste doit manifester en exerçant son métier ? » – « Sur le plan personnel ou sur le plan professionnel ? » – « Une qualité personnelle. ». « Une chose m’est venue immédiatement à l’esprit, et m’a paru évidente, dit Eve, et j’ai répondu ‟être aimante”».

« Être aimante » : voilà bien le chemin que nous ouvre son livre, La dame des mots, qui vient de paraître aux Editions NiL — le récit d’une vie consacrée à des enfants qui manquaient si souvent d’amour.

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Pourquoi la torture est aussi inefficace qu’inacceptable : deux preuves expérimentales

Au XVIIIe siècle, Un juge milanais ne croyait pas que la torture pouvait avoir une quelconque valeur comme technique d’obtention d’une confession fiable de la part d’un criminel présumé. Ainsi, il tua sa mule, accusa son serviteur de ce crime, et le fit torturer. L’homme avoua le crime et refusa de se rétracter même sur l’échafaud, de peur d’être à nouveau torturé. Bien sûr, le juge lui épargna la vie.

Le juge milanais abolit alors l’utilisation de la torture dans les affaires devant sa cour. L’écrivain Daniel Mannix raconte une autre histoire illustrant l’inutilité de la torture:

Le Duc de Brunswick en Allemagne fut tellement choqué par les méthodes utilisées par les inquisiteurs dans son duché qu’il demanda à deux célèbres savants jésuites de superviser les audiences. Suite à une étude approfondie, les jésuites dirent au Duc, «Les inquisiteurs font leur devoir. Ils arrêtent seulement des personnes qui ont été mises en cause par les confessions d’autres sorcières. »

« Accompagnez-moi donc à la chambre de torture», suggéra le Duc. Les prêtres suivirent et découvrirent une infortunée étendue sur un chevalet. « Permettez-moi de lui poser des questions », proposa le Duc. « Maintenant, femme, vous avez confessé être une sorcière. Je soupçonne ces deux hommes d’être des sorciers. Qu’en dites-vous? Un autre tour du chevalet, vous autres bourreaux. »

« Non, non! » cria la femme. « Vous avez tout à fait raison ; je les ai souvent vu au Sabbat. Ils savent se transformer en chèvres, loups, et autres animaux. »

« Que savez-vous de plus sur eux? » demanda le Duc.

« Plusieurs sorcières ont eu des enfants d’eux. Une femme a même eu huit enfants engendrés par ces hommes. Les enfants avaient des têtes de crapaud et des jambes d’araignée. » 

Traduction de l’auteur d’extraits de: Pinker, S. (2011). The better angels of our nature: Why violence has declined. Viking Adult.

Réunion de l’ONU sur le bien-être et le bonheur: Définition d’un nouveau paradigme économique

Le 19 Juillet dernier, 68 pays ont rejoint le Royaume du Bhoutan pour co-parrainer une résolution intitulée «Le bonheur: Vers une approche holistique du développement,” qui a été adoptée par consensus par les 193 membres de l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans le suivi de la résolution, le Gouvernement du Bhoutan a organisé une réunion de haut niveau le 2 Avril 2012 au siège des Nations Unies à New York.

La réunion a été très constructive et animée et des progrès encourageants ont été accomplis dans la promotion d’un mouvement mondial pour mettre en œuvre un nouveau paradigme économique basé non pas sur le PIB, mais sur la prise en compte la satisfaction de vie des gens et sur le respect de l’environnement et des richesses naturelles.

Outre le Bhoutan et le Costa-Rica, les gouvernements du Brésil et le Japon ont pris des mesures importantes afin d’inclure BNB (Bonheur National Brut) dans l’agenda national.

A cette occasion, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a déclaré: ‟La prospérité matérielle est importante, mais elle est loin d’être le seul déterminant du bien-être. […] Le Bhoutan a reconnu la suprématie de bonheur national sur le revenu national depuis les années 1970. Il a adopté le célèbre le but du Bonheur National Brut au lieu du Produit National Brut. Une telle vision est en train de gagner du terrain dans d’autres pays. Le Costa Rica est connu pour être le pays le plus « vert » au monde – un exemple de développement global et écologiquement responsable. Comparé aux autres pays avec des niveaux de revenu similaires, il se classe premier dans le développement humain et est un havre de paix et de démocratie.

Au Royaume-Uni, les statisticiens commencent à évaluer le ‟bien-être national”. La Commission européenne a son projet « PIB et au-delà », tandis que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ses lignes directrices de mesure du bien-être.

Le Produit National Brut a longtemps été l’aune à laquelle les économies et les politiciens ont été mesurés. Pourtant, il ne parvient pas à prendre en compte les coûts sociaux et environnementaux du soi-disant progrès. Nous avons besoin d’un nouveau paradigme économique qui reconnaît la parité entre les trois piliers du développement durable. Social, économique et bien-être environnemental sont indivisibles. Ensemble, ils définissent le bonheur brut mondial. […]

Le monde est à un carrefour. Nous avons besoin de tous – ministres du gouvernement et des décideurs, des chefs d’entreprise et la société civile, et les jeunes — pour œuvrer ensemble à la transformation de nos économies … à mettre nos sociétés sur un pied plus juste et plus équitable … et de protéger les ressources et les écosystèmes sur lesquels notre avenir commun dépend. Nous avons besoin d’un résultat à l’issu de Rio +20 qui reflète cela. Un résultat qui affirme que le bonheur et le bien-être seront mesurés en plus du revenu national brut – et que ce sont des objectifs fondamentaux en eux-mêmes ‟.

Les débats peuvent être vu à http://www.gnhc.gov.bt/2012/04/un-webcast-on-happiness-and-wellbeing-high-level-panel-discussion/

Ma modeste contribution vient à 1.58:30 à la partie I (la fenêtre du bas de l’écran d’ouverture).

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H.E Ban Ki-moon, Secretaire Général des Nations Unies

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H.E Jigmi Y. Thinley, Primier Ministre du Bhoutan

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Lord Richard Layard,_Professeur Emérite, London_School_of_Economics.

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Dr Vandana Shiva, Fondatrice de Navdanya

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Matthieu Ricard, monastère de Shéchèn

L’invasion des déchets – 6

(Extrait de la préface de Matthieu Ricard au Livre ‟Recycle”de Didier Ruef)

L’avenir ne fait pas mal… dans l’immédiat.

Ainsi que Sa Sainteté le Dalaï-lama l’a souligné à maintes reprises, l’interdépendance est une notion essentielle du bouddhisme qui débouche sur une profonde compréhension de la nature de la réalité et sur une prise de conscience de la responsabilité universelle que nous portons tous. Si l’on considère que tous les êtres sont étroitement liés et que, tous sans exception, veulent éviter la souffrance et aspirent au bonheur, cette compréhension constitue la base de l’altruisme et de la compassion et nous conduit naturellement à la pratique de la non-violence envers tous les êtres humains et les animaux ainsi qu’au respect de l’environnement. 

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Les gens réagissent vivement face à un danger immédiat, toutefois il leur est difficile de se sentir impliqués émotionnellement par un problème qui se produira dans dix ans ou vingt ans. Ils sentent rarement la nécessité de changer d’attitude face à une situation qui les affectera dans le futur ou qui concernera la prochaine génération. Ils se disent : « On verra bien quand ça arrivera. » Ils répugnent à l’idée de se priver de plaisirs immédiats pour la seule raison que ces satisfactions auront des effets désastreux à long terme. Leurs actions sont motivées par la volonté d’éviter toute contrainte dans l’immédiat.

Tout cela procède d’une tendance invétérée à l’indifférence face à un danger qui ne menace pas notre égoïsme dans le moment présent. Le futur ne fait pas mal, du moins pas encore. Devons-nous nous féliciter de l’ignorer ou faire appel à la sagesse et à l’altruisme afin d’avoir davantage de considération pour ceux qui souffrent de la prolifération des déchets et ceux qui risquent fort d’en souffrir bien plus encore au cours des générations à venir?

L’invasion des déchets -5

(Extrait de la préface de Matthieu Ricard au Livre ‟Recycle”de Didier Ruef)

L’égoïsme aveugle

Imaginez un bateau avarié dans lequel il serait nécessaire d’utiliser toute la puissance des machines pour pomper l’eau des cales. Mais les passagers de première classe veulent continuer à utiliser l’air conditionné et autres facilités, et les passagers de deuxième classe ont pour seule préoccupation de se faire surclasser en première. Bientôt, tout le monde coule, après avoir utilisé l’air conditionné pendant quelques heures de plus, au lieu que tous soient sauvés. Sur un bateau normal, un capitaine prend les mesures nécessaires pour empêcher le naufrage. Ici, les passagers insistaient pour être leurs propres chefs.

L’équilibre des forces confrontées aux problèmes d’environnement et aux autres défis pressants de notre époque ressemble à celui de clans se disputant l’usufruit d’un bateau qui coule, d’une forêt en feu et d’une bombe à retardement.

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Un bureau d’études d’ingénieurs anglais annonçait récemment qu’en supposant que tous les ingénieurs en activité dans le monde se consacrent au développement des technologies permettant de produire des sources d’énergie renouvelable, un tel effort ne suffirait pas à ralentir le réchauffement global de la planète.

Ainsi que l’expliquait récemment un député vert anglais sur les ondes de la BBC : « Tout le problème du changement climatique réside dans le fait qu’il est débattu à un niveau intellectuel par des personnes qui vivent dans les villes où tout est artificiel. Ces gens-là ne font pas l’expérience des changements qui se déroulent dans la réalité. Des milliards de gens sont maintenant des citadins coupés des cycles naturels ; ils ne sont donc pas en mesure de se rendre compte par eux-mêmes des processus en jeu. En revanche, si vous discutez avec les membres des communautés qui habitent les forêts pluviales ou avec les populations les plus démunies qui tentent de faire pousser des céréales en Afrique, ils vous diront que le changement climatique est dramatique, qu’il est en train de se produire très vite, et qu’il a de graves implications au niveau de la nature et des moyens d’existence. » On peut en dire autant de la prolifération des déchets.

Les problèmes mondiaux ne peuvent être traités que par des institutions transnationales. Dans un monde global, les chefs d’Etats devraient jouer le rôle de gouverneurs de provinces, qui administrent les affaires locales et déférent à une autorité transnationale le sort de la planète.

(A suivre…)