Le PNB, initialement conçu pour gérer la crise de 1929, ne peut servir qu’à mesurer un seul aspect de la qualité de vie. La révolution scientifique, technologique et industrielle qui a pris de l’ampleur à partir du 19e siècle a conduit à une amélioration des conditions de vie (augmentation considérable de l’espérance de vie, amélioration de la santé, de l’accès à l’éducation, plus grande justice sociale, progrès vers l’égalité des hommes et des femmes etc.) Mais aujourd’hui nombre de facteurs associés à la croissance née de cet essor ont des effets délétères sur la qualité de vie et sur l’environnement. Il semble même que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité les activités humaines pourraient avoir bientôt un effet nocif irréversible sur notre écosystème.
Il importe donc d’introduire de nouveaux critères permettant de juger de la prospérité des nations. Aucun état ne souhaite avoir le sentiment que sa prospérité décline. Aujourd’hui, toute baisse du PNB et de la croissance économique donne lieu à un constat d’échec. En revanche si la richesse d’une nation était mesurée à la fois en termes de PNB, de satisfaction de vie (ou BNB, « bonheur national brut) et de qualité environnementale, les dirigeants et les citoyens pourraient se réjouir d’une croissance annuelle des deux derniers indicateurs, même en cas de baisse corrélative du PNB .
Selon Richard Layard, professeur à la London School of Economics « Nous avons plus de nourriture, plus de vêtements, plus de voitures, des maisons plus grandes, plus de chauffage, plus de vacances à l’étranger, une semaine de travail plus courte, un travail plus agréable et, surtout, nous sommes en meilleure santé. Et pourtant, nous ne sommes pas plus heureux… Si nous voulons rendre les gens plus heureux, il faut vraiment que nous identifions les conditions propices à leur épanouissement ainsi que les moyens de mettre celles-ci en œuvre » (Le Prix du bonheur : Leçons d’une science nouvelle, voir Le Prix du bonheur : Leçons d’une science nouvelle).
On ne peut s’attendre à ce que la qualité de vie soit un simple sous-produit de la croissance économique, car les critères de l’une et de l’autre sont différents. Le bonheur national brut—qui vise à réduire la souffrance et à augmenter le bien-être—doit être évalué selon des critères qui lui sont propres et doit être poursuivi pour lui-même. Une science y correspond, celle de l’étude de la satisfaction de vie chez les individus, aussi bien dans le moment que sur la durée, et des corrélations entre leur niveau de satisfaction et divers autres facteurs extrinsèques (ressources financières, rang social, éducation, degré de liberté, niveau de violence dans la société, situation politique), et intrinsèques (recherche d’un bonheur hédonique ou eudémonique, optimisme ou pessimisme, égocentrisme ou altruisme, etc.). Les bienfaits de telle ou telle politique devraient ainsi être évalués en tenant compte des effets sur la satisfaction de vie, tout comme des répercussions sur l’environnement