L’impact des émotions

La manière la plus simple d’établir des distinctions entre nos émotions consiste à examiner leur motivation (l’attitude mentale et le but fixé) et leurs résultats. Selon le bouddhisme, si une émotion renforce notre paix intérieure et tend au bien d’autrui, elle est positive, ou constructive ; si elle détruit notre sérénité, trouble profondément notre esprit et nuit aux autres, elle est négative, ou perturbatrice. Quant aux conséquences, le seul critère est le bien ou la souffrance que nous engendrons par nos actes, nos paroles et nos pensées. C’est ce qui différencie, par exemple, une « sainte colère » — l’indignation motivée par une injustice dont nous sommes témoins — d’une fureur engendrée par le désir de blesser autrui. La première a libéré des peuples de l’esclavage, de la domination, elle nous pousse à défiler dans les rues et à changer le monde. Elle est destinée à faire cesser l’injustice au plus vite, ou à faire prendre conscience à quelqu’un de l’erreur qu’il commet. La seconde n’engendre que souffrances.

Si la motivation, le but visé et les conséquences sont positifs, on peut utiliser des moyens appropriés, quelle que soit leur apparence. Le mensonge et le vol sont généralement des actes nuisibles et donc à première vue répréhensibles, mais on peut aussi mentir pour sauver la vie d’une personne traquée par un tueur, ou dérober les réserves alimentaires d’un potentat égoïste pour épargner la mort à un village menacé de famine. En revanche, si la motivation est négative et si le but manifeste est de nuire, ou s’il est simplement égoïste, même en recourant à des moyens apparemment respectables, il s’agit d’actes foncièrement négatifs. Le poète tibétain Shabkar disait : « L’homme compatissant est bon, même en colère ; dénué de compassion, il tue avec le sourire. »