Un acte désintéressé ne l’est pas moins si l’on est satisfait de l’avoir accompli. On peut retirer une satisfaction d’un geste altruiste sans que cette satisfaction ait motivé notre acte. En outre, l’individu qui fait un geste altruiste pour des raisons purement égoïstes risque d’être déçu en n’obtenant pas l’effet escompté. La raison en est simple : seul un acte bienveillant issu d’une motivation également bienveillante peut engendrer une satisfaction profonde.
Lorsqu’un paysan cultive son champ et y plante du blé, c’est en vue de moissonner assez de grain pour nourrir sa famille. En même temps, les tiges du blé lui fournissent de la paille. Mais personne ne soutiendra que le paysan a consacré une année de labeur à la seule fin d’engranger de la paille.
D’après le grand maître tibétain Dilgo Khyentsé Rinpotché, le bouddhiste véritable est celui qui «?répond aux besoins d’autrui spontanément, par compassion naturelle, et n’espère jamais de récompense. Comme les lois de causalité s’appliquent nécessairement, ses actions pour le bien des êtres porteront assurément des fruits — sur lesquels il ne tablera jamais. Jamais, non plus, il ne pensera qu’on ne lui témoigne pas assez de gratitude ou qu’il devrait être traité avec plus d’égards, mais il se réjouira du fond du cœur et se sentira pleinement satisfait si celui qui lui a fait du tort change d’attitude?».
Ce concept d’économie intérieure fait appel à une notion souvent mal comprise, celle de «?mérite?». Dans le bouddhisme, les mérites ne sont pas des «?bons points?» de vertu, mais des énergies positives qui permettront de faire le plus grand bien aux autres tout en étant heureux soi-même. Dans ce sens, les mérites sont comme une plantation dont on a pris grand soin et qui fournit une abondante moisson, capable de combler tout le monde.