Être ému par la souffrance de l’autre, ressentir soi-même de la souffrance parce qu’il souffre, être joyeux lorsqu’il est en joie et triste lorsqu’il est affligé relève de la résonance émotionnelle. Les chercheurs ont constaté qu’une partie du réseau cérébral associé à la douleur est activée chez les sujets qui ne font qu’observer quelqu’un en train de souffrir. Ils souffrent donc de voir la souffrance de l’autre.
La résonance empathique avec la douleur peut conduire, lorsqu’elle est maintes fois répétée, à un épuisement émotionnel et à la détresse. C’est ce que vivent souvent les infirmières, les médecins et les soignants qui sont constamment en contact avec des patients en proie à de grandes souffrances.
Au cours de discussions avec Tania Singer, neuroscientifique directrice à l’Institut Max Planck de Leipzig, nous avons constaté que la compassion et l’amour altruiste étaient associés à des émotions positives. Nous en sommes donc venus à l’idée que le burnout était en fait une « fatigue de l’empathie »? et non de la compassion. Cette dernière, en effet, loin de mener à la détresse et au découragement, renforce notre force d’âme, notre équilibre intérieur et notre détermination courageuse et aimante à aider ceux qui souffrent. En essence, de notre point de vue, l’amour et la compassion n’engendrent ni fatigue ni usure, mais aident au contraire à les surmonter et à les réparer, si elles surviennent.
Ces trois dimensions — l’amour de l’autre, l’empathie (qui est résonance avec la souffrance d’autrui) et la compassion — sont naturellement reliées. Au sein de l’amour altruiste, l’empathie se manifeste lorsque l’on se trouve confronté aux souffrances des êtres, confrontation qui engendre la compassion (le désir de remédier à ces souffrances et à leurs causes). Ainsi lorsque l’amour altruiste passe au travers du prisme de l’empathie, il devient compassion.
Pour plus de détails, voir Plaidoyer pour l’altruisme, de Matthieu Ricard, chapitre 4: « De l’empathie à la compassion dans un laboratoire de neurosciences. »