Une personne âgée que j’ai rencontrée récemment déplorait l’attachement que certains de ses amis entretenaient à l’égard de l’argent, même à l’approche de la mort. Elle conclut en remarquant : «On n’a jamais vu de coffre-fort sur un corbillard. »
Qu’aimerions-nous transmettre à nos enfants ? Une belle image de nous-même ? Des biens matériels qu’ils se disputeront peut-être ? Ne vaut-il pas mieux leur léguer une source d’inspiration, une vision des choses qui ait un sens et qui puisse leur donner confiance à chaque instant de leur vie.
La richesse peut être un remarquable moyen de faire le bien autour de soi et, partant, de mener une vie fructueuse. Mais elle comporte également le risque de forger une existence misérable et de faire du tort à autrui. Comme tout outil, elle peut servir à construire ou à détruire : ou elle facilite le bien-être et la générosité, ou elle engendre sont lot d’écueils tels que la convoitise, l’orgueil, et l’insatisfaction qui sont autant d’obstacles au bonheur authentique.
Les études sociologiques montrent qu’en moyenne les gens ne sont pas plus heureux qu’ils ne l’étaient il y a cinquante ans alors que le revenu moyen a plus que doublé. Comme l’explique Richard Layard, Professeur à la London School of Economics, « Nous avons plus de nourriture, plus de vêtements, plus de voitures, nous vivons dans de plus grandes maisons, dotées de chauffage central, nous passons davantage de vacances à l’étranger, nous avons une semaine de travail plus courte et jouissons, avant tout, d’une meilleure santé, et pourtant nous n’en sommes pas plus heureux pour autant. Si nous voulons être heureux, nous devons comprendre ce que sont les réelles conditions qui engendrent le bonheur et la façon les cultiver. »
Il est évident que pour ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, une augmentation de leur revenu entraîne une augmentation considérable de leur qualité de vie. Mais de nombreuses études ont montré qu’au delà de ce seuil, le fait de doubler ou de tripler la richesse ne s’accompagne pas d’un accroissement de la satisfaction de vie.
L’argent ne fait pas le bonheur… sauf si on le donne.
Par ailleurs, d’autres travaux on montré que, dépensé pour autrui, l’argent peut faire le bonheur. Il existe incontestablement un lien entre altruisme et bonheur . Des études ont prouvé qu’il est émotionnellement plus bénéfique de donner que de recevoir. « Nous avons constaté que les gens qui avaient déclaré dépenser le plus d’argent pour autrui étaient aussi les plus heureux », dit Elisabeth Dunn, auteure principale d’une étude* mesurant le degré de satisfaction de personnes ayant dépensé de l’argent pour elles-mêmes ou ayant donné de l’argent dans un but altruiste. Cette observation s’est vérifiée, aussi bien pour la philanthropie à grande échelle que pour les donations d’un montant de 5 dollars.
Les travaux de Martin Seligman, pionnier de la « psychologie positive », ont également montré que la joie que l’on éprouve à entreprendre un acte de bonté désintéressée procure une profonde satisfaction. Pour vérifier son hypothèse, il a demandé à un groupe de ses élèves de passer quelques jours à sortir s’amuser et à un autre groupe de participer à une activité philanthropique, puis d’écrire un rapport pour le cours suivant. Les résultats ont été saisissants : la satisfaction provoquée par une activité agréable (sortir avec des amis, voir un film, ou déguster une glace) était largement moindre que celle qu’engendre un acte de bonté. Un acte spontané mettant en jeu des qualités humaines pouvait améliorer toute la journée des sujets ; ceux-ci ont noté qu’ils étaient plus attentifs, plus avenants et plus appréciés des autres ce jour-là. L’altruisme n’exige donc pas un « sacrifice » pénible, mais engendre le double accomplissement du bien d’autrui et du nôtre.
* E. W. Dunn, L.B. Aknin, M.I. Norton, ‟Spending Money on Others Promotes Happiness”, Science, 21 mars 2008.
** Merci à notre ami Gabs pour les dessins qu’il a réalisé pour ce blog